Avez-vous entendu parler de la RÉUSE ? Ce système de micro-irrigation est destiné à pallier le stress hydrique de la vigne, tout en dépolluant le milieu aquatique. Lilian Copovi, instigateur et artisan de la mise en place de la RÉUSE dans les Corbières, nous dit tout sur ce projet novateur.
Qu’est-ce que la RÉUSE ?
Cela signifie « Réutilisation des Eaux Usées de Stations d’Épuration ». Je me suis très tôt penché sur les ressources qui seront à la disposition du vigneron dans le futur. Et j’ai trouvé cette ressource, pérenne à mon sens, et qui devrait croître ! Il s’agit de récupérer une partie des eaux usées, de les stocker et les filtrer avant de les réutiliser dans les vignes.
Pouvez-vous nous parler de la genèse du projet ?
J’ai monté un premier projet pilote sur la commune de Roquefort, qui fait 16 hectares, à partir des eaux de la station de Roquefort. Le projet a démarré l’an dernier. Il a coûté 480 000 euros et j’ai réussi à lever des fonds pour qu’il ne coûte rien à l’agriculteur. Avec la sécheresse et la canicule de l’an dernier, on peut presque dire que le projet a sauvé le vignoble !
Comment fonctionne ce projet d’irrigation ?
Je préfère parler de « « micro-irrigation » car les quantités d’eau sont minimes. Il ne s’agit pas d’arroser la vigne mais de pallier le stress hydrique et maintenir un potentiel de production quasi nivelé. Cela rassure économiquement.
Envisagez-vous d’étendre le projet aux communes voisines de Roquefort ?
Forts de cette réussite sur Roquefort, nous travaillons un second projet à partir de la station de La Franqui. Une petite quarantaine d’hectares pourrait en bénéficier. Et je fais un peu de lobbying auprès des maires des communes qui envisageraient d’implanter de nouvelles stations d’épuration. Je leur suggère de le faire près de vignobles…
Pourquoi ne pas essayer de le faire à plus grande échelle ?
Pour une question d’argent : je n’arrive pas à trouver suffisamment de fonds ! Pourtant, le potentiel sur Roquefort concernait initialement 40 hectares, alors qu’on n’en a choisi que 16. Quant à La Franqui, on pourrait toucher 106 hectares, mais on ne repart que sur 30 hectares… Pour le moment, on se cantonne donc à des projets expérimentaux sur des surfaces réduites.
Pouvez-vous mesurer les résultats de ce projet ?
Il va y avoir 3 ans de mesures avec l’IFV (l’Institut Français de la Vigne et du Vin), BRL (le fermier maitre d’ouvrages), l’INRA, avec des analyses diverses.
Est-ce une première en France ?
Oui ! Nous sommes les seuls et uniques en France à faire cela dans la viticulture. Du coup, nous sommes passés sur France-Bleu, sur TF1, etc.
Utilisez-vous les eaux usées telles quelles sur le vignoble ?
Nous devons restocker cette eau usée dans un bassin, et lui faire subir deux ou trois traitements complémentaires. Ce sont des traitements naturels. Nous utilisons notamment des filtres à sable, comme pour les piscines. Puis l’eau passe dans un tunnel à rayons UV pour finir d’éliminer toutes les bactéries, et à la sortie on la chlore.
Comment vous est venue cette idée ?
Ce qui m’a mis la puce à l’oreille est que j’étais conseiller municipal au moment de l’inauguration de la station d’épuration de Roquefort, dite « nouvelle génération ». Et je me rappellerai toujours de ce qu’avait dit le maire à cette occasion : « l’eau sort tellement pure qu’on pourrait boire le Pastis avec… » Et il avait fait la démonstration en buvant au tuyau ! Puis comme je fais un peu de vélo, je passais souvent devant cette station. Et j’entendais ce bruit d’eau, je me penchais vers le tuyau et voyais cet extraordinaire débit, et le vignoble à côté qui tirait la langue… Je me disais que c’était vraiment dommage. J’ai repensé au geste du maire, et me suis dit qu’il fallait monter un projet. Je suis aussi allé en Argentine pour voir comment cela fonctionnait. En Israël dans le désert, ils consomment carrément cette eau.
La RÉUSE est donc un système 100% vertueux ?
A mon sens, oui. Car d’une part, il s’agit d’une ressource pérenne. Et d’autre part, on dépollue le milieu aquatique et lagunaire.