Domaine Lérys
RENCONTRES VIGNERONNES
Domaine Lérys
Alban Izard, 37 ans, est vigneron au Domaine Lérys, à Villeneuve-des-Corbières. Sur les coteaux des Hautes Corbières, il mène une viticulture bio à la croisée des chemins entre le respect de la tradition héritée des Anciens et les techniques modernes.
Quel sont les vins du domaine ?
Le domaine étant situé à cheval entre Corbières et Fitou, nous produisons des vins dans les deux appellations. En Corbières, nous avons un rouge et un blanc.
- Le rouge, nommé Rogenc (rouge en Languedocien), est un assemblage de Carignan, de Grenache noir et de Syrah. Il s’agit d’un vin sur le fruit, présentant quelques notes épicées, avec une bonne structure tannique mais non-élevé, donc accessible pour tous. Il se marie très bien à l’apéritif avec une planche de charcuterie ou de fromage… Pas besoin de plats très riches !
- Le Blanc, nommé Graciosa (gracieux ou élégant en Occitan), est un assemblage de Grenache blanc, Grenache gris et Maccabeu ayant subi une courte macération avant d’être vinifié et élevé intégralement en fûts. C’est un blanc de gastronomie, plutôt riche et rond, avec un peu de tannins, beaucoup de gras et des arômes tertiaires (fruits mûrs, miel, notes grillées) qui s’accommode parfaitement de volailles à la crème ou poissons en sauce.
Pourquoi avoir opté pour un blanc de gastronomie ?
Nous avons volontairement pris le contrepied de tout le monde
Tour d’abord, parce que nos cépages blancs sont gras et riches, et que nos parcelles pour la plupart exposées Sud donnent des raisins mûrs et concentrés. Nous ne pouvions pas aller vers un blanc de type tendu et sec pour l’apéritif. Et d’autre part, c’est un choix personnel : par goût, je préfère les vins blancs plus sur la gastronomie.
Où peut-on se procurer ces deux vins ?
Nous les vendons chez nous au caveau et en ligne. Ils sont aussi distribués chez les cavistes, dans le circuit traditionnel CHR et dans quelques pays frontaliers : la Belgique, la Suisse et depuis peu le Royaume Uni. Nous visons à présent les États-Unis et le Canada. Nous avons répondu à un appel d’offre et attendons un retour que nous espérons positif, surtout grâce à notre nouveau label bio qui nous permet d’accéder à certains marchés. Les États-Unis y sont peut-être un peu moins sensibles mais au Canada, la plupart des appels d’offre sur les petits volumes sont tournés vers les vins bio.
Qu’est-ce qui a motivé votre passage en agriculture biologique ?
Quand je me suis installé ici en 2012, le bio faisait déjà partie intégrante de mon projet. J’ai repris le domaine familial et y suis allé progressivement : j’ai passé 5 ou 6 ans à faire des essais sur certaines parcelles, sans demander le label, car je voulais être prêt avant de basculer officiellement l’intégralité du vignoble en bio. Nous avons finalement obtenu la certification en 2020.
Votre passage en bio a-t-il induit beaucoup de changements dans la conduite du vignoble ?
Pas tellement en cave, et un peu dans les vignes. Étant donné que nous avons la chance de travailler dans une région qui ne connaît pas de grosse pression en ce qui concerne les maladies de la vigne, surtout le mildiou, nous étions déjà assez proches des exigences du bio.
Quel est le bilan de cette conversion ?
On ne regrette pas du tout notre choix ! Cela nous ouvre les portes des marchés, et puis c’est plus vertueux.
Comment se caractérisent les vins du Domaine Lérys dans l’ensemble ?
Nos vignes poussent sur des sols de schiste, très filtrants et drainants, qui apportent fraîcheur et acidité. Nous sommes aussi un peu en altitude, ce qui nous expose malheureusement au risque de gel en hiver, mais devient intéressant en été car il fait un peu moins chaud qu’au niveau de la mer… Ainsi nous obtenons des vins digestes, sur la finesse, dans l’air du temps – ceux qu’on aime partager entre amis.
Quelle est la taille du domaine ?
Nous avons 60 hectares de vignes. Le vignoble est en coteaux, constitué de nombreuses parcelles morcelées, et compte encore de vieilles vignes. Nous travaillons au chenillard et vendangeons tout à la main. C’est du travail, mais on a un si beau cadre ! D’ailleurs,
Je m’applique à préserver notre paysage sauvage composé de petites parcelles entremêlées avec la garrigue et entourées de bruyère, chênes verts, cistes – tant pour raisons esthétiques que pratiques. Sans les talus et ruisseaux, en cas de forte précipitation, ce serait la désolation !
Qui vous aide dans la gestion du domaine ?
Je travaille avec ma femme, salariée de l’exploitation en charge du commerce et de l’administration. Nous employons un salarié à l’année, parfois des Bac pro en alternance et des saisonniers pour la taille et les vendanges. Quant à moi, je m’occupe de la partie plus technique. J’ai rejoint le domaine en 2008 après un BTS viti-oeno et passé 3 ou 4 ans à travailler avec mes parents, histoire de voir comment ça se passait… Voyant que je voulais prendre ma propre direction, ils ont accepté de me laisser la main en prenant leur retraite, mais continuent à me donner un coup de main. Car c’est bien connu : un vigneron ne prend jamais vraiment sa retraite !
Quel est votre credo en tant que vigneron ?
Je privilégie la viticulture traditionnelle, tout en étant assez moderne. Je suis très attaché au Carignan, aux vieilles vignes, aux travaux manuels. Je pourrais vendanger quelques parcelles à la machine, mais je ne le fais pas parce que le goût du travail manuel m’a été transmis par les anciens. Pour résumer, je suis un jeune vigneron qui respecte le travail d’autrefois. On ne fait pas tout au cheval et à la pioche, il faut vivre avec son temps , mais on préserve la vigne. Quand on la plante, ce n’est pas pour 10 ou 15 ans : c’est pour 100 ans, et dans l’espoir de la transmettre un jour à nos enfants !