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RENCONTRES VIGNERONNES

Frédéric Vrinat

Interview de Frédéric Vrinat, Directeur de la Cave de Gruissan depuis 12 ans
 

Alors que ses études le prédestinaient à la gestion d'entreprise, des rencontres avec des vignerons passionnés le feront changer de parcours et reprendre des études d'œnologie. Frédéric Vrinat est à la tête de la Cave de Gruissan depuis 12 ans. La cave coopérative produit à ce jour 10 000 hectolitres de vin, vendus à 95% en circuits courts. Une spécificité qui les pousse à conserver une exigence interne de qualité très élevée !

Le vin est-il inscrit, comme pour une grande partie des vignerons, dans votre héritage familial ?

Frédéric Vrinat : Absolument pas... J'ai découvert un peu par hasard le milieu du vin à la fin de mes études d'ingénieur agronome à Paris. C'est le hasard des rencontres qui m'a poussé vers le monde viticole. Au travers de mon premier emploi, il m'a été donné d'échanger avec plusieurs vignerons dont le côté passionné a suscité en moi l'envie d'explorer leur milieu, alors totalement inconnu pour moi... Pourtant, mes études me destinaient à la gestion d'entreprise, pas à un métier opérationnel et encore moins dans l'univers du vin !

 

Comment vous êtes-vous retrouvé à la tête de la Cave de Gruissan ?

F.V. : A 24 ans, j'ai repris mes études d'œnologie et suivi 2 ans de formation à Toulouse. C'est alors qu'ayant mon diplôme d'œnologue en poche, j'ai pris la direction de la cave en 2006. J'arrivais alors dans la profession avec un regard neuf, sans bagage historique ni familial.

 

A quand remonte la création de la coopérative ?

F.V. : La cave existe depuis 1947 ! Sa naissance s'inscrit dans la dynamique de l'après-guerre. En effet, au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, tout le matériel ayant été détruit et le métal étant devenu rare, les vignerons de Gruissan se sont regroupés pour se doter d'outils communs de production.

 

Combien avez-vous d'adhérents coopérateurs à ce jour ?

F.V. : La cave compte 62 membres, aux profils très disparates. La surface d'exploitation oscille entre 5 ares - un grand jardin ! - et 30 hectares. Des viticulteurs professionnels en côtoient d'autres qui font du vin par tradition familiale mais dont ce n'est pas le métier principal. D'où un système à 2 vitesses, que l'on a tenu à préserver. La partie des coopérateurs qui vit de sa production a une exigence économique, encourage la modernisation de l'outil et met tout en œuvre pour élaborer des produits en phase avec les attentes du marché. Mais nous sauvegardons aussi le côté humain et historique de la cave, en conservant des associés coopérateurs plus petits, pour qui les enjeux sont plus personnels et symboliques.

 

Quelle est la taille de la Cave de Gruissan ?

R.V. : Notre surface est de 320 hectares au total, tandis que notre production s'élève à 10 000 hectolitres seulement et que nous employons 13 personnes à temps plein : nous avons la dimension d'un grand domaine plutôt que celle d'une cave coopérative ! Il s'agit d'une situation assez atypique de nos jours. Généralement, les caves de taille égale à la nôtre fusionnent avec d'autres, ou finissent tout bonnement par disparaître...

 

 

Les consommateurs étant attachés à notre nom et notre image, nous nous devons de leur proposer un produit fini, aboutit, et sans reproches !

Comment expliquez-vous que la cave se maintienne en dépit de sa petite taille ?

F.V. : Cela est en grande partie due au fait qu'elle est située à proximité du littoral, et commercialise sa production en circuit court. Quand je suis arrivé il y a 12 ans, la cave vendait déjà en direct à hauteur de 50%. Aujourd'hui, ce chiffre est passé à 95% ! Seuls 5% de notre production quittent la cave en camion-citerne pour entrer dans les assemblages de négociants.

 

Quel est le profil de vos clients ?

F.V. : Nous travaillons en circuits courts et essentiellement en vente directe. Nos clients sont locaux, essentiellement situés sur le Narbonnais. Nous avons aussi quelques clients vers Toulouse et dans l'Ariège.

 

Ce lien privilégié avec le consommateur final a-t-il un impact sur vos choix stratégiques ?

F.V. : Tout à fait : comme nous sommes en lien direct avec le client final, notre exigence interne de qualité est très élevée. Les consommateurs étant attachés à notre nom et notre image, nous nous devons de leur proposer un produit fini, aboutit, et sans reproche, comme le fait un domain viticole produisant en nom propre.

 

Votre mode de fonctionnement se rapproche donc de celui d'un domaine ?

F.V. : Sur le plan administratif, le principe "1 homme, 1 voix" continue de prévaloir (indépendamment de la taille de la parcelle de chacun) comme dans n'importe quelle coopérative. Mais sur les plans de la commercialisation et de la technique d'élaboration des vins, notre mode de fonctionnement ressemble effectivement plus à celui d'un gros domaine que d'une cave coopérative.

 

Quelle est la part de votre récolte vendue en AOC Corbières ?

F.V. : Bien que 90% de notre parcellaire soit situé dans l'aire d'appellation Corbières, seulement 65% de la production environ est vendue en AOC Corbières. Etant donné que nous vendons en circuit court, nous avons besoin de proposer à nos clients une gamme complète de produits variés, et notamment des vins en mono cépage.

 

Comment se compose votre gamme ?

F.V. : La cave propose une cinquantaine de références en tout, dont une vingtaine en AOC Corbières. Nous proposons plus de référence en rouge qu'en blanc ou rosé, car il s'agit d'une tradition locale. Cependant en volume, c'est le vin rosé que nous commercialisons le plus.

 

Quelle est votre gamme de prix ?

F.V. : Nous nous situons plutôt dans la fourchette basse : tous produits confondus, nos prix oscillent entre 4€ et 20€. Et l'essentiel de la commercialisation se fait sur de bouteilles coûtant entre 4€ et 8€.

 

Accordez-vous un soin particulier à la qualité du rosé ?

F.V. : Oui, car il s'agit de la couleur qui se développe le plus en terme de consommation, et que nous sommes de surcroît dans une zone littorale propice à la consommation de ce type de vin. Nous fournissons beaucoup d'efforts pour créer des cuvées agréables et bien équilibrées, et avons modernisé notre technique afin de mieux répondre aux attentes du marché, sans pour autant verser dans la tendance des rosés excessivement pâles... Nos rosés conservent une belle nuance rosée, et reçoivent très régulièrement des médailles d'or lors du Concours Corbières. Rien que cette année, nous en avons obtenu deux !

 

Comment sélectionnez-vous les parcelles consacrées au vin AOC Corbières ?

F.V. : La sélection parcellaire est l'apanage du technicien viticole, qui oriente ses choix en fonction de la maturité et de la charge des parcelles mais aussi des efforts que les coopérateurs sont prêts à fournir pour se plier à des stratégies plus ou moins restrictives liées au cahier des charges interne de la Cave.

 

Quelle est le mode de vinification privilégié ?

F.V. : Une grande majorité de rouge AOC Corbières (environ 80%) est vinifiée en macération carbonique, ce qui impose de vendanger à la main. En ce qui concerne les blancs et rosés, ils subissent une vinification classique.

 

Pratiquez-vous l'élevage des vins ?

F.V. : Oui, nous avons environ 500 barriques qui nous servent essentiellement à élever des vins rouges, mais aussi quelques blancs et de rares rosés.

 

Quel est le produit de la cave qui rencontre le plus de succès ?

F.V. : Notre gamme la plus commercialisée est la gamme Pujots, qui se décline en rouge, rosé et blanc. Ce vin demeure le plus emblématique de la cave sur le plan historique, car il est né de l'entrée du Château Les Pujots à la Cave de Gruissan, il y a 25 ans environ. De plus, à 7,90€ la bouteille, ce vin est accessible à toutes les bourses.

 

Crédits photo : Aspheries Leclerc / Odyssea Calamel