Christophe Gualco
RENCONTRES VIGNERONNES
Christophe Gualco
Interview de Christophe Gualco du Château Etang des Colombes.
A 16 ans, Christophe Gualco, vigneron au Château Etang des Colombes, n’aimait pas le vin… Fort heureusement, il a changé d’avis pour nous offrir aujourd’hui des vins de qualité, fabriqués avec le cœur. Rencontre avec le vigneron, dans son chai de Lézignan.
Quelle est l’histoire du Château Etang des Colombes ?
Le domaine a plus d’un siècle et demi… C’est un domaine familial, depuis quatre générations. Et la quatrième génération, c’est moi !
Avez-vous toujours su que vous reprendriez l’exploitation du domaine familial ?
J’aidais aux vignes depuis tout petit mais non, au début, je ne voulais pas reprendre le domaine. A 16 ans, je n’aimais pas le vin ! J’ai commencé à apprécier les blancs et rosés vers 18 ans, puis les rouges, et aujourd’hui j’aime également les vins puissants et charpentés. Mes parents ne m’ont jamais mis la pression pour que je reprenne le château, alors que j’étais fils unique… Peut-être est-ce pour cela que j’ai repris le flambeau ?
Comment vous êtes-vous formé au vin ?
J’ai fait mes études dans le commerce, à Paris, puis j’ai enchainé avec un DESS vigne et vin. Dans le cadre de mon DESS, on a souvent voyagé. L’idée était de s’ouvrir à ce qui se faisait ailleurs. Sur 2 ans, j’ai fait 6 mois de stage en suivant un parcours itinérant, par session d’un mois. Je suis allé au Chili, en Argentine, en Californie, à Napa, Sonoma, etc. Il s’agissait de voir la viticulture sous une approche différente.
Comment êtes-vous organisé au domaine ?
Je ne suis pas seul. Mon père a été très présent au début, notamment pour me guider dans les vinifications. Et puis nous avons une équipe de 9 personnes à temps plein, ainsi que des saisonniers, pour gérer nos 80 hectares de vignes. Je peux notamment m’appuyer sur un maitre de chai et un chef de culture. Cependant, le Château Etang des Colombes reste un domaine familial, donc je suis un peu partout. Pendant les vendanges dans la cave, pendant l’année sur les salons ou sur la partie commerciale... Il faut savoir se montrer polyvalent !
Quelle place tient le développement durable dans votre approche ?
Je ne peux qu’approuver la décision du syndicat AOC Corbières « Tous certifiés minimum HVE 3 d’ici 5 ans », puisque j’étais au Conseil d’Administration quand on l’a validé ! En Corbières, nous avons déjà des éléments naturels qui nous aident en termes environnementaux. Nous avons le vent, qui est un élément absolument fabuleux, et un climat méditerranéen chaud et sec qui limite le recours aux intrants et traitements phytosanitaires. Cela représente un avantage concurrentiel par rapport aux autres régions – avantage que nous devons mettre plus en avant. « HVE niveau 3 objectif 2024 », ça me parait essentiel. C’est notre façon de dire qu’on prend les devants, qu’on se montre ambitieux pour l’environnement, sensibles à la biodiversité, désireux de recréer de la vie dans les vignes. Ici à l’Etang des Colombes, on est en pleine démarche HVE niveau 3, et espérons être labellisés d’ici 1 an.
Quelle est la spécificité de votre gamme de vins ?
Nous avons une proportion de rosé très élevée. Notre bouteille de rosé, avec l’étiquette fleurie, est connue dans la région depuis le temps… Nous produisons 50 000 cols par an de ce rosé. Aujourd’hui, on consomme du rosé toute l’année, alors qu’avant la saison faste s’étalait de mai à octobre. Les hommes, les femmes, les jeunes… Le rosé s’est ouvert à tout le monde ! Avec l’augmentation de la consommation de rosé, nous en vendons encore plus qu’auparavant.
Comment décririez-vous votre rosé ?
C’est typiquement un rosé d’été ! Il est sec et fruité, pas trop charnu, plutôt dans la fraîcheur et le fruit. C’est un « rosé d’apéro », qui se marie aussi très bien avec des plats assez légers. Il est constitué de Cinsault, de Grenache noir et d’un tout petit peu de Syrah.
Y a-t-il une autre cuvée qui symbolise le château ?
L’autre cuvée emblématique du domaine est le Bois des dames rouge. C’est notre haut-de-gamme, constitué de vieilles vignes de Carignan assemblées à de la Syrah. C’est un vin complexe, concentré, puissant, assez structuré et qui fait 8 mois d’élevage en fut.
Quels sont les changements principaux survenus depuis que vous avez repris le domaine ?
On vendange plus tôt dans l’année. On a avancé les vendanges d’une petite semaine environ. D’autre part, on vendange désormais pendant la nuit. Sur les blancs et les rosés, cela garantit un maximum de fraîcheur. On a des arômes qu’on n’aurait pas si on ne commençait pas à 3 ou 4 heures du matin. Grâce à ce système, on commence la vinification sur de la matière fraîche. Les vins ont donc plus de fraîcheur, et moins ce côté rustique d’autrefois… Voilà une belle évolution de style !
Avez-vous une stratégie de commercialisation des vins particulière ?
Mon père a été un des pionniers de la mise en bouteille dans les Corbières. Il a procédé à sa première mise en bouteille en 1973. Puis de manière générale, lui et les vignerons des Corbières qui voulaient valoriser la qualité ont établi une stratégie commerciale avec une gamme de vins rouges, à partir du début des années 80. Aujourd’hui, nous vendons surtout sur le marché français, à hauteur de 70% environ. Comme nous avons démarré très tôt la mise en bouteille, nos vins sont connus dans le coin. L’Occitanie surtout est un marché très important : le Languedoc, le Grand Toulouse, etc.
Quels sont, selon vous, les enjeux majeurs pour l’avenir de l’AOC Corbières ?
Les enjeux climatiques sont sans aucun doute importants : à cause du réchauffement climatique, nous devons adapter les cépages. A ce propos, nous venons de recevoir la bonne nouvelle concernant l’acceptation du Marselan. Ce cépage vient de rentrer à hauteur de 5% dans les assemblages autorisés par le cahier des charges du syndicat. En parallèle du côté environnemental, il y a l’eonotourisme. Il faut faire connaître nos vins ! Nous avons de jolis caveaux, des vignobles dans des domaines magnifiques pleins de biodiversité, pas des rectangles qui s’accumulent… Nous avons la chance d’avoir des parcelles entourées de garrigue, situées dans une région qui a du charme, et c’est cela qu’il faut mettre en valeur. Venez-nous découvrir !
Enfin, qu’est-ce qui vous plait le plus dans votre métier ?
Deux choses, principalement. La première est le cadre de vie : on travaille à la campagne, au milieu des vignes et des arbres, on se réveille le matin en entendant chanter les oiseaux… Autant de bonheurs simples qui n’ont pas de prix ! D’autre part, j’aime le fait de pouvoir aller parler de mes vins. Je suis au cœur des Corbières mais demain, je peux me retrouver à Paris, Strasbourg, Berlin ou Londres, et je vais parler de la passion qu’on a de faire notre métier, de notre belle région, de nos vins qui sont chouettes, et je vais me régaler de les faire découvrir !